"L'escalier, toujours l'escalier qui bibliothèque et la foule au bas plus abîme que le soleil ne cloche."

Robert Desnos,
Langage Cuit, 1923.

vendredi 29 juin 2012

Terrain vague réglementaire

Pendant quelques années, Jacques Réda a résidé dans les parages parisiens qu'il m'arrive d'arpenter de manière intermittente. Il a fini par se lasser, si l'on en croit Le vingtième me fatigue, suivi de Supplément à un inventaire lacunaire des rues du XXe arrondissement de Paris qu'il a publié aux éditions La Dogana en 2004. Il serait désormais installé dans le XIXe, à proximité des Buttes-Chaumont...

Dans Abelnoptuz, une fantaisie en prose parue en 1995 chez Théodore Balmoral, il décrivait ainsi le paysage observé, en position allongée, par la fenêtre de la chambre :

(…) Et c'est fort peu de chose à vrai dire. Soit, entre le dos plâtreux d'un vieil immeuble et le donjon en béton strié contenant le tri de la poste voisine (pourquoi le fortifier à ce point-là ?) une trouée d'environ trente mètres de large, à peu près divisible en trois parties égales dans sa hauteur, ou plutôt dans sa profondeur, mais la position couchée fausse mon sens de la perspective. Au premier plan, du terrain vague, mais du terrain vague administratif, donc entretenu, sans doute par des cantonniers de la Poste. En plus de quelques bouleaux et d'une épaisse rangée de thuyas, qui le borne au-delà d'un glacis d'herbe, il y pousse un grand peuplier dépouillé par l'hiver, et dont le réseau de branches et de ramilles se fond dans l'air avec une transparence de filigrane. Au deuxième plan, de l'autre côté de la rue de la Chine que rien ne décèle (c'est une simple abstraction géodésique), deux bâtiments d'habitation sans caractère mais parfaitement décents (l'un en brique jaune, l'autre en brique brique) et, enfin, le troisième tiers de ce décor sans fantaisie, auquel le mot « plan » ne convient plus, puisqu'il s'agit du ciel, où le vent effiloche aujourd'hui, à toute vitesse, des fumées aux nuances qui vont du noir gras d'incendie dans un dépôt de pneus, au blanc laiteux que dégage un feu de feuilles mortes humides. (...)

On conseillera au promeneur curieux d'effectuer un premier repérage rue de la Chine, non loin de son intersection avec la rue de Ménilmontant. Il y verra suffisamment de bâtiments « sans caractère mais parfaitement décents » et, au numéro 56, un immeuble en brique blanchâtre qu'il pourra assimiler à de la brique jaune lessivée par la quinzaine d'années qui s'est écoulée depuis l'observation de Réda. Cette bâtisse est jouxtée d'une large construction en brique rouge donnant sur le square Brizeux. En face, à côté d'une mince bâtiment peu élevé, un portail, en général fermé, ne l'empêchera pas d'entrevoir un espace libre, au sol ingrat, où s'aperçoivent quelques bouleaux et un peuplier. Il est difficile de discerner si ce « terrain vague » est entretenu par l'administration ou par la copropriété adjacente. Mais notre curieux pourra s'estimer sur la bonne voie des grandes découvertes, et, s'il est, comme moi, dépourvu de plan détaillé et d'instruments de relevé, il commencera à le regretter...

Car, parvenu de l'autre côté, donc dans la rue des Pyrénées, les investigations deviennent plus difficiles. Aucune trace de « trouée » donnant sur « du terrain vague administratif » n'est visible. Faut-il la situer au 256 bis, où l'on distingue nettement les contreforts du « donjon en béton strié » qui abrite l'ancien centre de tri ?

En l'absence de tout autre élément, cela conduit à supposer que Jacques Réda avait peut-être choisi d'habiter dans l'un de ces immeubles « parfaitement décents », mais d'une rare laideur, qui élèvent leur arrogance en aval de la petite maison bourgeoise un peu fatiguée sise au 287 de la rue des Pyrénées...

On peut rêver un autre habitat pour un poète.

S'il était resté à demeure en cet hypothétique appartement, il aurait une vue imprenable sur le chantier actuellement installé sur l'emprise de l'ancienne administration des Postes et Télécommunications. Cet espace s'étend de la rue des Pyrénées à la rue de la Chine, et comporte des constructions d'époques diverses, allant de la brique vraiment jaune au béton ornementalement rainuré. Au 256 bis, entre camions et bennes à gravats, un large panneau informe les passants que Poste Immo entreprend là d'importants travaux de « Restructuration du site Pyrénées » avec « Organisation et valorisation de la Plateforme de Distribution du Courrier » et « Aménagement de 2800 m² de bureaux de standing ».

Non loin de là, au numéro 260, dans ce qui semble être une descente vers un parking souterrain, Toit et Joie, bailleur social, et Poste Habitat annoncent conjointement la réception favorable de leur « Déclaration préalable », précisant la « Nature des travaux » : « Restructuration d'un foyer en résidence sociale avec ravalement de la façade sur rue, remplacement de l'ensemble des menuiseries extérieures sur rue, pose de volets roulants, agrandissement de la porte d'entrée, mise aux normes handicapées (sic) et extension de l'édicule des équipements techniques en toiture terrasse d'un immeuble d'habitation ».

Le chantier sera sans doute ouvert plus tard. L'ancien foyer est, depuis le 8 juin, en cours d'occupation par « des précaires en colère, mal-logés acharnés, expulsés d'ici ou d'ailleurs ». Toit et Joie, « opérateur de logement social dans toutes ses dimensions », y compris celles de la répression, a fait accueillir en ses locaux une délégation des occupants par les forces de police. Aussitôt a été déposé une demande d'évacuation des lieux auprès des autorités compétentes, car la « pose des volets roulants » et l'« agrandissement de la porte d'entrée » ne sauraient trop attendre. Le procès a été reporté au 13 septembre.

Une délégation s'est également rendue le 13 juin au Ministère du Logement. Elle a été reçue par le directeur adjoint du cabinet de madame Cécile Duflot et par madame Pauline Lavaux, conseillère parlementaire. Monsieur Jacques Archimbaud, dircab adjoint de la ministre, a ainsi pu montrer qu'il avait déjà beaucoup de métier en refusant de soutenir les occupants auprès de la préfecture et du bailleur, et en les assurant que, s’il y a expulsion, elle se fera dans les règles : « la procédure doit être respectée, vous êtes là depuis longtemps, vous ne pouvez pas être expulsés sans décision judiciaire ». Il a également fait preuve d'un réel talent de cantonnier de terrain vague administratif et réglementaire en déclarant :

 « Nous sommes contre les expulsions sans relogement, mais nous n’avons pas de pouvoir ».

lundi 25 juin 2012

Le crime paie, mais si peu

Dans son Opéra de quat'sous - Die Dreigroschenoper, créé le 31 août 1928 à Berlin -, Bertold Brecht délègue à son personnage, le truand Mackie Messer, le soin de poser cette délicate question éthique :

Quel est le plus grand crime ? Braquer une banque ou en fonder une ?

On admettra qu'en des temps où la distinction entre ces deux types d'entrepreneurs a tendance à s'estomper, la réponse est rien moins qu'évidente...

Bien qu'ils se défendent d'entrer dans des considérations morales ou juridiques, trois professeurs d'économie britanniques - Barry Reilly, de l'Université du Sussex ; Neil Rickman et Robert Witt, de l'université du Surrey - viennent d'apporter une contribution décisive à la question en démontrant que braquer une banque est, plus qu'un crime, une erreur économique. Pour en arriver là, ils ont, nous dit Sophie Amsili, du Figaro, « établi ce qui est sûrement le premier modèle économique du braquage de banque », en prenant pour point départ le fait, indéniable, que « la criminalité est une activité économique comme une autre. Il y a des bénéfices, des pertes, des risques, et des rendements. Il y a aussi des intrants, le travail et le capital, et des coûts ».

Nos trois professeurs d'économie ont mis leurs résultats à disposition du public dans le numéro de juin de la revue Signifiance, publiée conjointement par The Royal Statistical Society et The American Statistical Association. Leur article est intitulé Robbing banks : Crime does pay - but not very much, mais la journaliste du Figaro préfère en rendre compte sous le titre Pourquoi braquer une banque n'est pas rentable... Elle a sans doute estimé plus prudent de ne pas laisser entendre que, dans le cas des cambriolages bancaires, le crime paie, effectivement, mais pas beaucoup. Les lecteurs auraient pu craindre que les salauds de pauvres, ces gagne-petit, ne prennent cela pour un encouragement à tenter certaines pratiques délictueuses, voire criminelles, ne rapportant guère moins que la galère des petits boulots habituels.

Cet article est cependant bien utile si l'on veut éviter de lire in extenso la filandreuse prose, en anglais, de nos trois chercheurs qui, n'ayant pas grand chose à dire, tirent manifestement à la ligne pour arriver à meubler leurs cinq pages. On se réjouit, certes, qu'ils aient pu accéder aux données exclusives de la British Bankers' Association pour établir, avec toute la rigueur scientifique qui s'impose, le revenu moyen d'un braquage d'agence bancaire. Mais cette autorisation ne leur ayant été accordée que sous de strictes conditions de confidentialité, les détails des calculs manquent, qui auraient pu faire l'objet, on le suppose, d'une bonne page de tableaux judicieusement commentés. Qu'importe, les auteurs se rattrapent, par exemple, en justifiant la quantification pifométrique de la perte financière représentée par la sanction judiciaire - en moyenne, trois ans de prison - infligée par la justice britannique aux audacieux entrepreneurs qui ont raté leur coup. Ils occupent également l'espace qui leur a été généreusement accordé en insérant un bel encadré contenant les astucieuses « équations » utilisées. Les statisticiens amateurs et les amateurs de statistiques n'y trouveront que trois ou quatre formules usuelles, d'une très grande platitude, qui ne m'ont donné aucune envie de m'y remettre...

Pour adoucir l'aridité de leur papier, nos trois professeurs d'économie l'ont agrémenté de plaisantes illustrations. Ils ont notamment choisi de reproduire la très célèbre photographie de Bonnie Parker et Clyde Barrow - « better known as Bonnie and Clyde », précisent-ils - prise par l'un de leurs comparses entre 1932 et 1934, tout en précisant que ces deux gangsters de légende ne sont jamais devenus riches.

Et pour cause...

Finalement, selon le Figaro :

Loin de certains scénarios hollywoodiens, leur conclusion est sans appel : « Le rendement d'un braquage de banque moyen est, honnêtement, très mauvais. »

Les auteurs, eux, terminent leur article par ces mots :

The lesson of which would seem to be : successful criminals study econometrics. Statistics can help in all walks of life.

(Il semble que la leçon à tirer de ceci est que les truands qui réussissent étudient l'économétrie. Les statistiques sont utiles dans n'importe quelles circonstances de la vie.)

Il est possible que ce soit de l'humour britannique.

Ou un dépassement brechtien de Brecht.

samedi 23 juin 2012

Quarante ans de grand style

Malgré le goût immodéré pour les comptes ronds manifesté de toute éternité par les tenanciers des gazettes, un anniversaire risque de passer inaperçu. Il s'agit de celui de La Hulotte, « le journal le plus lu dans les terriers », qui vient de fêter, dans la plus grande discrétion médiatique, ses quarante ans d'existence en publiant son numéro 97. Certes, il est difficile de prétendre que 97 est un « chiffre » d'une remarquable rondeur, mais il est premier et l'on peut estimer que les nombres premiers mériteraient davantage de considération de la part des messieudames de la presse.
 
Pour fêter ses quarante ans, la Hulotte a invité
un animal guère plus pressé qu'elle :
l'Escargot des haies.

Nos amis chroniqueurs scientifiques pourraient conter à leurs lecteurs attentifs la belle histoire de cette vénérable « revue naturaliste française », comme dit ouiquidédia. Ils pourraient narrer la naissance de La Hulotte des Ardennes, bulletin de liaison ronéoté d'un réseau de clubs « nature » que pensaient fonder Pierre Déom, instituteur à Rubécourt, et quelques uns de ses amis. Ce serait l'occasion de réexpliquer que les cinq premiers numéros, ne contenant essentiellement que des informations locales, ne seront probablement jamais réimprimés. Il faudrait alors retracer, avec plus ou moins de détails chronologiques, comment cette modeste feuille mensuelle est devenue une publication « irrégulomadaire » - le rythme est actuellement d'environ deux parutions par an - proposant à ses abonnés, à chaque numéro, une monographie naturaliste sur des plantes ou des animaux très facilement observables. Les chroniqueurs les mieux documentés - ceux qui auraient accès à la collection complète - pourraient nous faire cela avec toutes les statistiques qu'il faut pour faire très sérieux. Les autres signaleront probablement que La Hulotte, paraissant moins de quatre fois par an, s'est vue retirer, en 1984, son numéro de Commission paritaire des publications et des agences de presse - CPPAP -, et qu'elle a ainsi perdu les quelques avantages qui allaient avec. Enfin, tous pourront ajouter, en direction d'un lectorat appréciant ce genre de précisions pratiques, que La Hulotte est aussi une entreprise, les Éditions Passerage, qui employait, en 2009, une dizaine de salariés. 

Tout ceci pourrait se rédiger, bien sûr, en parodiant le style de la vénérable quadragénaire, sous la forme d'un récit retranscrit d'un entretien avec La Hulotte elle-même.

La Hulotte, en effet, a imposé un style bien personnel dans la littérature consacrée à l'histoire naturelle. Elle en a renouvelé la tradition en introduisant dans la description des espèces végétales ou animales une approche de prime abord rigolarde. Un des procédés les plus utilisés consiste à personnifier la vedette du numéro et à la faire parler à la première personne, et non sans humour, de sa survie, de sa vie et de ses œuvres. Les plus jeunes lecteurs s'y amusent à retrouver le pays connu des contes et des fables - et y apprennent beaucoup de choses. Certains lecteurs plus âgés aussi, que l'on rencontre parfois accroupis au fond de leurs jardins ou au bord des chemins, ouvrant des yeux de gamins émerveillés. D'autres, dans cette même catégorie sénior, m'ont parfois semblé plus réticents, estimant que ce type de présentation, pour utile qu'elle soit, devait être réservée, mais avec modération, aux plus jeunes. Les plus subtils de ces critiques soulignent que les fantaisies de La Hulotte frôlent de très près l'anthropomorphisme, qui est, on le sait, un gouffre où la vraie pensée rigoureuse se perd, et par conséquent une manière de péché contre l'esprit scientifique. Mais on peut se demander si certains exposés classiques de biologie animale ou végétale, fondés sur le paradigme évolutionniste et expliquant tout, ou presque, par des stratégies adaptatives, ne suggèrent pas davantage une assimilation des espèces à des organismes humanoïdes maîtrisant de très habiles tactiques pour persévérer dans leur être...

Aucun bonnet de nuit de mes connaissances, cependant, n'émet la moindre critique sur la qualité de la revue. Bien au contraire, on loue la clarté de la mise en page, la finesse des dessins et la lisibilité des photographies, apparues depuis peu. Quant au contenu, basé sur la documentation la plus complète possible, et souvent révisé par un universitaire spécialiste de la question - bestiole ou mauvaise herbe -, chacun accorde qu'il est de la plus grande exactitude. La souriante encyclopédie que constitue maintenant la collection (presque) complète de La Hulotte peut prendre place aux côtés des ouvrages de ses plus grands prédécesseurs, le Systema Naturæ de Carl von Linné ou l'Histoire naturelle du comte de Buffon. En pondérant par le nombre de pages imprimées, la densité d'imprécisions, d'idées reçues et d'erreurs que l'on risque d'y rencontrer est beaucoup moins grande...

Présenter sérieusement les choses sans se prendre au sérieux, c'est peut-être le style même de La Hulotte.


Une grande série dramatique récente :
Le Journal de la Reine des Frelons.
Numéro 92 : seule au monde
Numéro 94 : le château de ma mère
Numéro 95 : les derniers jours de la classe ouvrière

Mais, ainsi qu'aurait pu le dire Georges-Louis Leclerc, comte de Buffon, s'il avait été, sur la fin de sa glorieuse vie, atteint d'oulipisme par anticipation, « le style est la plus grand conquête de l'homme ».

Si, derrière le style de La Hulotte, on cherche l'homme, on rencontre immanquablement Pierre Déom qui, depuis quarante ans, est le maître d’œuvre de chaque numéro de La Hulotte. C'est lui qui choisit le sujet, pioche la documentation, collecte les observations complémentaires, rédige les textes et peaufine les dessins à l’encre de Chine. Il estime que la mise au point des quarante pages d'un numéro lui demandent un millier d'heures de travail, ou plus...

Modeste, et ayant assez à faire comme cela, Pierre Déom s'intéresse davantage à celles de ses Ardennes natales qu'à la faune et la flore des grandes plateformes médiatiques. On trouvera pourtant, dans les archives de l'Express, la retranscription d'un entretien où il revient sur les débuts de la revue, sa façon de travailler, son opposition aux OGM ou la naissance de sa vocation d'« écologiste avant l'heure » :

Je me suis intéressé à la nature assez tardivement. Comme la plupart des campagnards, je n'étais pas intéressé par la nature ; elle était bien trop banale. En fait, je l'ai découverte en lisant Raboliot, de Maurice Genevoix. Ce livre m'a fait comprendre combien elle était complexe, grouillant d'espèces et de choses étranges que je n'avais jamais imaginées. J'ai ensuite passé plusieurs années à baguer des oiseaux, et c'est là que j'ai pris conscience du problème de la destruction de la nature. C'était au tournant des années 1970. Nous étions dans les glorieuses années pompidoliennes, avec beaucoup de grands projets très dévastateurs pour l'environnement. Dans le centre des Ardennes, on a fait disparaître de nombreux marais qui abritaient des espèces maintenant disparues à jamais. On considérait ces marais comme inutiles, alors on les remplaçait par des champs de maïs. A l'époque, le mot écologie n'existait pas. Inutile de dire que les esprits n'étaient pas très mûrs pour cette notion.

Pour en conclure que le style du créateur de La Hulotte a été fortement influencé par l'immortel Genevoix, il faudrait faire un pas dont l'amplitude m'effraie...


PS :

Un jour, j'ai décidé que j'étais abonné à vie à La Hulotte.

Ce n'est pas insurmontable : il suffit de se réabonner de temps en temps...

Faites donc comme moi, et ensemble souhaitons longue vie à la dame des Ardennes.


Audacieuse anticipation :
La Hulotte, radieuse, fête son jubilé de diamant.
(Photo : abaca press.)

mardi 19 juin 2012

Résonance aléatoire

D'après un sondage récemment effectué auprès d'un échantillon représentatif constitué de trois estimables personnes de ma génération, je serais le seul à me souvenir de Nestor's Saga, de John Surman et Jack DeJohnette... Ce brutal constat statistique m'a surpris, d'autant plus que mes interlocuteurs, ayant continué à s'intéresser aux productions de l'industrie cinématographique, auraient pu remarquer quelques moments de la musique du film Respiro, réalisé par Emanuele Crialese et sorti en 2002.



Nestor's Saga (The Tale Of The Ancient) est la première plage du disque The Amazing Adventures Of Simon Simon, où l'on entend John Surman aux saxophones soprano et baryton, à la clarinette basse et au synthétiseur, et Jack DeJohnette à la batterie, au congas et au piano électrique. Cet album est sorti  en 1981, en cette exaltante période où socialisme français et libéralisme mondial s'observaient en attente d'une excitante parade nuptiale. Cette musique fut rapidement cataloguée comme « planante » - mot d'époque - et classée pas très loin des ramages relaxants du new age... Je redoutais même de l'entendre un jour l'autre utilisée comme musique d'ascenseur. C'est pourquoi, j'ai pris l'habitude, à cette époque, de préférer monter par les escaliers.

Mais j'écoutais tout de même le disque en cachette :


Mes craintes n'étaient évidemment pas fondées. Les spécialistes des ambiances sonores ont l'oreille mercenaire et putassière, mais fine. Il ne pouvaient pas ne pas entendre dans cette musique la tension qui l'anime et l'intranquillité qui la sous-tend.

Cette même intranquillité qui s'exprimait en toute liberté, une dizaine d'années avant, dans les improvisations de The Trio, le groupe formé de John Surman aux anches, Barre Phillips à la contrebasse et Stu Martin à la batterie.


De temps en temps, John Surman offre à son public un album solo, minutieusement enregistré en usant de cette technique qu'on appelait jadis le riricordigne et qui doit maintenant porter un autre nom tout aussi franglosaxon mais nettement plus tendance.

Après Westering Home, 1972, Upon Reflection, 1979, Withholding Pattern,1984, Private City, 1987, Road to Saint Ives, 1990,  et A Biography of the Rev. Absalom Dawe, 1994, vient d'arriver Saltash Bells, 2012. Le disque est édité chez ECM, qui a mis en ligne un player où pourront le découvrir les oreilles curieuses de belle ouvrage sonore. Elles y entendront le britannique multiinstrumentiste y souffler dans des saxophones soprano, ténor et baryton, des clarinettes alto, basse et contrebasse, et un harmonica, tout cela sur fond de synthétiseur.

Dans ces dix compositions, John Surman part en quête des sonorités de son enfance. La plage qui donne son titre à l'album, Saltash Bells, évoque, nous dit-il, le son des cloches lointaines que, navigant avec son père sur une rivière du Devon, il entendait résonner sur l'eau et dans toute la vallée...

Mon vocabulaire est trop limité pour dire ce qui habite - poétiquement, cela va de soi - ces méditations musicales parfois crépusculaires.

Le hasard objectif, que ma subjectivité, bonne fille, est toujours prête à favorablement accueillir, a voulu que j'écoute ce disque en feuilletant le dernier numéro du Matricule des Anges, tout juste arrivé. Le « mensuel de la littérature contemporaine » - il n'y en a qu'un, et je suis abonné - consacre son dossier du mois à W. G. Sebald. En réponse à la question « En quoi Sebald réinvente-t-il une sorte de romanesque de la mémoire ? », Georges-Arthur Goldschmidt cite un court passage des Anneaux de Saturne que j'ai voulu replacer dans le livre, sans doute pour le simple plaisir de m'égarer et de me retrouver dans la prose de Sebald. 

Je ne saurais évidemment dire - voir plus haut - comment s'est établie la résonance - ou l'accord - entre cette lecture erratique et la musique...

Mais c'était comme si le titre, si juste, du dossier du Matricule, W. G. Sebald, topographie de la mélancolie, avait aussi quelque chose à voir avec l'entreprise de John Surman.


PS : Georges-Arthur Goldschmidt cite le début de ce passage :

- Ce soir-là, à Southwold, comme j'étais assis à ma place surplombant l'océan allemand, j'eus soudain l'impression de sentir très nettement la lente immersion du monde basculant dans les ténèbres. En Amérique, nous dit Thomas Browne dans son traité sur l'enfouissement des urnes, les chasseurs se lèvent à l'heure où les Persans s'enfoncent dans le plus profond sommeil. L'ombre de la nuit se déplace telle une traîne halée par-dessus terre et comme presque tout, après le coucher du soleil, s'étend cercle après cercle - ainsi poursuit-il - on pourrait, en suivant toujours le soleil couchant, voir continuellement la sphère habitée par nous pleine de corps allongés, comme coupés et moissonnés par la faux de Saturne - un cimetière interminablement long pour une humanité atteinte du haut mal.

Traduit de l'allemand par Bernard Kreiss.

Ce passage se trouve à la page 107 de mon folio-Gallimard, mais aussi en quatrième de couverture - ce que j'ai préféré ignorer...

lundi 18 juin 2012

Les yeux entre ciel et trottoir

Surtout incongrue, cette injonction où le rêve semble s'accrocher à trois points de suspension...

Paris XXe, 8 juin 2012.

Je l'ai photographiée comme je pouvais, sous le ciel gris de ce samedi-là, avec en tête le souvenir tout frais de ces lignes de Jean Meckert, parcourues avant de passer à la caisse de la librairie l'Atelier :

Ce qui distingue le mieux le primaire, c'est son besoin d'utilité. Il y a toujours du moraliste et du revendicateur chez l'homme qui travaille. 

Quand je suis tout seul j'appelle ça l'esprit de lourdeur et je me comprends parfaitement. Je suis économe de tout et j'ai horreur de ce qui ne sert à rien, ça a été trop longtemps une nécessité pour moi. Ainsi, il y a des yeux au ciel et des yeux au trottoir, c'est toute l'humanité en raccourci. Je dis cela sans amertume exagérée. 

Il ne faut rien brusquer. Je sais que moi aussi je verrai de jolies choses en levant les yeux et j'aurai peut-être une belle voix pour chanter tout ce qui ne sert à rien. Pour l'instant, j'ai le torticolis quand je me redresse. Je ne m'adresse encore qu'aux piqueurs de mégots. Je travaille dans l'utile et je préviens tout de suite ceux qui ne sont pas du quartier que ce n'est pas marrant. 


Du quartier où a été prise cette photographie, Jean Meckert en était probablement quand, en 1935, il a recopié sur un cahier d'écolier ses premiers essais d'écriture. Il les avait nommés « Contes », et les éditions Joseph K. viennent de les publier sous le titre Abîme et autres contes inédits - l'extrait cité provient du conte-titre. Il a sans doute écrit ces textes à son retour de l’armée où il avait signé un engagement de dix-huit mois, croyant échapper au chômage... Il vivait alors de petits boulots, au point sans doute d'avoir le regret des ateliers de la rue de Chine, que recoupe la rue Villiers de L'Isle-Adam, où il avait été embauché comme arpète, et n'avait pas encore trouvé cet emploi qu'il occupera plus tard, à la mairie du XXe, non loin de là, place Gambetta, où il pourra dactylographier, sur des feuilles de papier timbré récupérées, son premier roman publié. Il dira souvent, sourire en coin, que c'est le papier timbré qui avait dû impressionner Raymond Queneau, lecteur chez Gallimard, et l'amener à défendre Les coups - 1941, existe en folio/Gallimard.

Ces  « Contes » de la dèche, de la mouise et de la débine, ont été écrits par un tout jeune homme qui allait devenir auteur la Blanche de la rue Sébastien-Bottin, mais aussi, sous le nom de Jean Amila mais à la même adresse, auteur de la Série Noire. Il est difficile de les lire sans jouer à « Jean Meckert es-tu là ? » ou à « Jean Amila es-tu là aussi ? » et de ne pas conclure en disant qu'ils « annoncent l’œuvre à venir », après avoir fait la liste des qualités de l'écrivain Amila-Meckert déjà bien marquées... Mais, il semble que l'on pourrait aussi répertorier un certain nombre de faiblesses futures qui sont absentes de ces pages. On peut penser à ces afféteries de style qui gênent la lecture de son deuxième roman, L'homme au marteau - 1943, réédité en 2006 chez Joëlle Losfeld, collection Arcanes -, ou aux bons sentiments qui empéguent les livres nés de ses collaborations avec le cinéaste André Cayatte.

Il y a alors trop de rage chez Meckert pour chercher à plaire ou même plaider...

Quant au ciel, qu'il faudrait regarder, il est si loin, si noir.

Aussi noir que l'eau où se jette le narrateur d'Abîme, au pont du Carrousel :

Et alors, mes vieux copains, il s'est passé quelque chose que je n'ai jamais très bien compris.

D'être tout d'un coup un apprenti macchab, ça m'a concilié brusquement toutes les bonnes grâces de la société. Autant je pouvais les emmerder et les dégoûter quelques secondes auparavant, autant je devenais subitement intéressant; à croire que l'humanité c'est une sale bête monstrueuse et puante qui ne renifle que les cadavres.

Pour moi, messieurs, pour moi qui, vivant, n'étais pas considéré plus qu'un pet de lapin, pour moi tout seul, on a brisé des glaces, couru au téléphone, lancé des bouées, tendu des gaffes, des mariniers ont sauté dans leurs barques, la brigade fluviale s'est amenée avec son canot et son projecteur, au bout de vingt minutes, une manière de record dont je suis assez fier, on m'a repêché, on m'a fait les mouvements, on m'a collé dans la bouche, autour du thorax, partout, les appareils les plus perfectionnés ...

Faut croire que je suis un dur à cuire, j'en suis revenu. J'ai ouvert les yeux. J'en ai la souvenance très vague, forcément. On m'a roulé dans une couverture. Quand ils se sont aperçus que j'étais pas mort, j'ai cessé d'être intéressant, ils se sont mis à m'engueuler en me demandant des détails et tout. J'ai dit que j'avais plus le rond, ça leur a suffi. Ils m'ont laissé dans mon coin. Ils ont parlé de leur boulot, à donner tous les détails, c'était le sauvetage le plus réussi du mois, ils blaguaient tous, moi je ne comptais plus.

Un type est venu, il m'a engueulé copieusement d'abord et puis il m'a fait diriger sur l'hôpital.

On ne soigne pas le moral, à l'hôpital, on s'en fout. Seulement moi, j'ai eu la chance d'attraper une maladie intéressante, une bonne inflammation des bronches et de la plèvre par-dessus le marché, quelque chose de solide, j'étais un malade régulier, j'avais plus qu'à me laisser vivre.

Qu'aurait-on dit de ce manuscrit chez Gallimard ?


PS : Quand je prenais en photo cette inscription, des camarades de galère étaient probablement déjà être installés au 260 de la rue des Pyrénées, à quelques enjambées de là, dans un ancien foyer des PTT inoccupé depuis plusieurs années. Les « expulsés, mal-logés, énervés, chômeurs, précaires, enragés sociaux » savent bien qu'en regardant entre ciel et trottoir, on peut voir beaucoup de bâtiments vides...

J'ai appris leur présence le lundi suivant par un communiqué de soutien de SUD PTT.

On peut trouver, ici et , des informations sur les aventures de ces nouveaux habitants du quartier. Le propriétaire de l'immeuble, l'« entreprise sociale pour l'habitat » Toit et Joie qui, depuis sa création en 1957, « intervient en tant qu’opérateur de logement social dans toutes ses dimensions » a eu le privilège de se voir offrir un gracieux publi-reportage par le Moine Bleu.

samedi 16 juin 2012

Prise de conscience

À deux pas de chez moi, sur un antique panneau d'affichage en béton datant d'avant la conceptualisation de la notion de « mobilier urbain », de courageux militants ont nuitamment procédé au collage d'un avis terrifiant :

Trifouillis-en-Normandie, 16 juin 2012.

 Une fois apaisé mon effroi, je me suis dit qu'après tout légaliser la drogue n'est peut-être pas plus dangereux que de légaliser la xénophobie...

Et puis, la drogue, on peut s'en détacher plus aisément, sans doute :

mardi 12 juin 2012

Une farce politique

Sur la quatrième de couverture de l'édition de poche - collection Points, 2007 -, on a choisi de titiller l'attention du chaland potentiel avec l'extrait d'une critique du Monde :

Subversif en diable, ce roman est un petit bijou d'intelligence et d'humour dont on ne saurait trop conseiller la lecture à chacun. 

A commencer par les politiques de tout bord.

On peut douter de l'efficacité de ce teasing. On sait bien que, malgré leurs méritoires efforts de simulation, « les politiques de tout bord » ne lisent guère, hormis les chiffres surlignés dans les rapports qu'on leur remet, accompagnés des suggestions de quelques éléments de rhétorique sommaire pour une éventuelle déclaration à la presse... On les imagine plus, actuellement, en train de scruter à la loupe les résultats de la dernière consultation électorale qu'en train d'apprécier l'humour et l'intelligence de La lucidité, ce roman de José Saramago « dont on ne saurait trop conseiller la lecture à chacun ».

Suggestion d’achat
pour la bibliothèque de l'Assemblée Nationale,
si elle existe, et s'il reste des crédits.

La lucidité - Ensaio sobre a lucidez, 2004, traduit en 2006 par Geneviève Leibrich pour les Éditions du Seuil - est pourtant une fable politique du plus grand intérêt, racontée sur le ton de la farce didactique par le souriant pessimiste qu'était José Saramago - prix Nobel de Littérature 1998.

Dans un pays imaginaire, à gouvernance néanmoins démocratique, le dépouillement du scrutin des élections municipales, révèle que, dans la capitale, les électeurs ont voté blanc à plus de soixante-dix pour cent. Après un temps de perplexité et de stupéfaction, agrémenté des railleries des gens de la province, les responsables du pays décident que leurs concitoyens auront à voter de nouveau le dimanche suivant. Le vote blanc atteint alors quatre-vingt-trois pour cent dans la capitale...

En cette épidémie de lucidité politique, les gouvernants ne sauront voir qu'une rébellion à mater. Diverses mesures de contrainte, répression et rétorsion vont être envisagées et mises en œuvre. Elles seront accompagnées des provocations usuelles et de tentatives d'investigations approfondies. Une lettre de dénonciation permettra même de désigner les coupables rêvés, en établissant un lien avec l'épidémie de cécité blanche qui, quatre ans auparavant, s'était déclarée dans le pays (*). Mais l'enquêteur désigné pour fabriquer cette culpabilité jugée politiquement nécessaire sera lui aussi atteint d'une forme bénigne de lucidité...

José Saramago en juillet 2007.
(Photo : Fredy Builes/Reuters)

De ces péripéties, Saramago fait un récit implacable, où, selon ses propres termes, « une fois le point de départ imaginaire admis, tout s’enchaîne avec rigueur, selon une logique de cause à effet, comme un mouvement d’horlogerie ».

Mais il n'est pas certain que « les politiques de tout bord » puissent apprécier l'humour d'une alerte férocité avec lequel notre auteur imagine les échanges entre membres du gouvernement...

Dans un entretien accordé à l’Humanité, paru le 19 octobre 2006, Saramago reconnaissait :

Je ne sais pas ce qui se dit réellement dans les conseils des ministres, ni sur quel mode, mais quand on capte un certain ton, une certaine attitude, je pense qu’on est dans le vrai. Pour tout dire, je pense que M. Chirac parle comme le président de cette République.

Histoire peut-être d'en juger, mais plutôt pour montrer que l'on peut être « dans le vrai » sans être un écrivain réaliste, voici un extrait du récit de l'allocution télévisée où le président du pays annonce aux citoyens séditieux de la capitale que les responsables abandonnent la ville, désormais en état de siège :

(...) C'est vous qui êtes les coupables, c'est vous qui avez ignominieusement déserté le concert national pour vous engager sur la voie tortueuse de la subversion, de l'indiscipline, du défi le plus pervers et le plus diabolique jamais lancé au pouvoir légitime de l'état au cours de la longue histoire des nations. (...) À présent vous êtes une ville sans loi. Vous n'y aurez pas un gouvernement pour vous imposer ce que vous devez faire ou ne pas faire, comment vous devez ou ne devez pas vous comporter, les rues seront à vous, elles vous appartiennent, utilisez-les comme il vous plaira, aucune autorité ne viendra vous barrer le chemin et vous donner le bon conseil, mais aussi, écoutez bien . ce que je vais vous dire, aucune autorité ne vous protégera contre les cambrioleurs, les violeurs et les assassins, cela sera votre liberté, profitez-en. Vous vous imaginez peut-être illusoirement que, livrés à votre libre arbitre et à vos caprices, vous serez capables de mieux organiser et de défendre plus efficacement votre vie que nous ne l'avons fait avec nos vieilles méthodes et nos lois anciennes. Erreur terrible que la vôtre. Tôt ou tard, vous serez obligés de vous choisir des chefs qui vous gouvernent si vous ne voulez pas les voir jaillir bestialement du chaos dans lequel vous allez inévitablement sombrer et les voir vous imposer leur loi. Vous vous rendrez compte alors de la dimension tragique de votre erreur. Vous vous révolterez peut-être comme au temps des contraintes autoritaires, comme au temps funeste des dictatures, mais ne vous faites pas d'illusions, la répression sera aussi brutale et vous ne serez pas appelés à voter car il n'y aura pas d'élections ou alors peut-être y en aura-t-il, mais elles ne seront pas indépendantes, propres et honnêtes comme celles que vous avez dédaignées, et il en sera ainsi jusqu'au jour où les forces armées qui ont décidé avec moi et avec le gouvernement de la nation de vous abandonner au destin que vous avez choisi devront revenir pour vous délivrer des monstres que vous aurez engendrés vous-mêmes. Toutes vos souffrances auront été inutiles, vaine votre obstination, et vous comprendrez alors trop tard que les droits ne sont intégralement des droits que dans les mots dans lesquels ils ont été énoncés et sur le papier sur lequel ils ont été inscrits, que ce soit une constitution, une loi ou un règlement quelconque, vous comprendrez, et plaise au ciel que vous en soyez convaincus, que leur application immodérée, inconsidérée, bouleverserait la société la plus stable, vous comprendrez enfin que le bon sens commande que nous les tenions simplement pour des symboles de ce qui pourrait être éventuellement, mais jamais pour une réalité effective et réalisable. Voter blanc est un droit imprescriptible, personne ne le niera, mais de même que nous interdisons aux enfants de jouer avec le feu, de même nous avertissons les peuples que jouer avec la dynamite est contraire à leur sécurité. (...) L'image grave et emplie de componction du chef de l'état disparut et à sa place surgit de nouveau le drapeau hissé en haut de sa hampe. Le vent l'agitait de-ci, de-là, de-là, de-ci, comme s'il était pris de vertige, pendant que l'hymne reprenait les accords belliqueux et les accents martiaux composés à une époque où l'exaltation patriotique était à son comble mais qui aujourd'hui produisaient un son fêlé. Ça oui, l'homme a bien parlé, résuma le plus âgé de la famille, et faut reconnaître qu'il a tout à fait raison, les enfants ne doivent pas jouer avec le feu car après il est sûr et certain qu'ils feront pipi au lit.

Inutile de dégainer le surligneur...


(*) Saramago rattache ainsi son Ensaio sobre a lucidez à l'un de ses précédents romans, Ensaio sobre a cegueira - paru en 1995 et traduit en 1997 par Geneviève Leibrich pour les Éditions du Seuil sous le titre L'aveuglement. Il a déclaré que cette construction en diptyque-miroir ne faisait pas partie de ses intentions initiales mais que la connexion s'est établie de manière inévitable...

dimanche 10 juin 2012

Une certaine mélancolie

A l'heure où, dans la liesse la plus débridée, la France découvre que son président va bien, il n'est peut-être pas inutile d'attirer l'attention sur l'importance de l'enseignement de la sémiologie médicale :



Performance glossopharyngée de Médéric Collignon, non datée.

J'ignore tout de cette séquence tournée pour, et diffusée par, semble-t-il, la chaîne de télévision Arte.

Bien sûr, je l'ai trouvée par hasard, en cherchant une autre vidéo, où l'on voit et entend le même Collignon aux côtés de Louis Sclavis interprétant un morceau de Napoli's Walls :




Divinazione moderna I & II
Louis Sclavis, clarinette basse ; Vincent Courtois, violoncelle;
Hasse Poulsen, guitare et Médéric Collignon, voix.
Festival de Berlin, 2003.

Ce parfait vocaliste est, nous dit Vincent Bessières - qui a rédigé une fiche pédagogique pour la médiathèque en ligne de la Cité de la musique -, « apparu dans le paysage du jazz français à l'orée des années 2000 comme un feu follet » et « a imposé sa folie douce et son hyperactivité musicale en peu de temps ». Ce portrait musicologique se clôt en constatant que Médéric Collignon « embrasse le champ des possibles tous azimuts, avec une urgence inépuisable et un investissement de l'instant qui, par delà sa dimension théâtrale et son expressionnisme, n'est pas sans receler une certaine mélancolie ».

Par ailleurs, Médéric Collignon est trompettiste de formation.

Il a opté depuis pour le cornet, et surtout le cornet de poche, mais il n'a rien oublié :



Miss Mabry, de Miles Davis (Girls of Kilimanjaro, 1968),
interprété à la télé par Médéric Collignon et Le Jus de bocse
(Franck Woeste, fender Rhodes ; Frédéric Chiffoleau, contrebasse ; Philippe Gleizes, batterie)


vendredi 8 juin 2012

Paroles d'experts

Si je bloguais dans la catégorie « Experts multithématiques et nonobstant monomaniaques » , j'aurais intitulé ce billet

Pourquoi Sarkozy aurait dû gagner
et pourquoi il a perdu.

(Car c'est bien de cela que je vais discourir.)

Et

paf !

j'aurais eu deux cent trente quatre commentaires de lecteurs n'ayant lu que le titre.

(Car c'est un très beau titre, surtout en grasses italiques...)

Thème astral de Nicolas Sarkozy.

Nicolas Sarkozy aurait dû sortir vainqueur de la dernière élection présidentielle car tel était son destin.

On peut le voir de manière parfaitement claire sur le schéma ci-dessus.

La Tribune de Genève, très sérieux quotidien à l'objectivité suisse affirmée, a offert aux lecteurs  de son site quelques compléments d'information sur ce sujet. On peut y voir et entendre, notamment, madame Audray Gaillard, politico astrologue, émettre cette intéressante pronostication :

Sur le plan de la séduction, Nicolas Sarkozy possède actuellement un excellent transit de Vénus qui arrivera à sa culmination le soir du 6 mai prochain, avec cet aspect il a plus d'un atout dans sa manche pour convaincre et séduire.

On devinait qu'avoir « un excellent transit » était un « atout » dans une vie de séducteur convaincant, et en voila une confirmation quasi scientifique.

Si l'on apprécie les pourcentages, on peut regretter que les expert(e)s de l'astrologie ne chiffrent pas davantage leurs prédictions. Cela explique sans doute pourquoi Le Figaro s'est tourné vers d'autres savants prévisionnistes à compétence reconnue et attestée par des titres universitaires.

Le 8 mars, malgré des sondages calamiteux pour le président maintenant sorti, le très sérieux quotidien à l'objectivité française confirmée publiait, sous le titre Les maths donnent Sarkozy victorieux avec 50,3% des voix, un entretien avec Bruno Jérôme qui, avec Véronique Jérôme, aurait prévu « victoire du président sortant d'une courte tête ». Nos « deux universitaires français » ont, nous dit-on, obtenu ce résultat, indépendamment de tout bricolage sur un échantillon représentatif, en utilisant « une équation basée sur la popularité, l'évolution du chômage et le comportement des électeurs dans les élections passées ». Mais on ne nous donne aucun détail sur la formule magique utilisée, pas plus qu'on ne nous avertit que les « deux universitaires français » ne sont pas mathématiciens - d'où quelques réactions d'humeur chez leurs faux confrères...



Verdict des urnes, comme on dit, en fausses couleurs.
(Origine : Radio France.)

Pour bien comprendre le pourquoi de cette défaite de Nicolas Sarkozy, qui a fait mentir les astres et les maths, il faut, à mon avis d'expert multithématique et nonobstant monomaniaque, se tourner vers les praticiens d'une autre discipline scientifique : la synergologie.

La Libre Belgique, très sérieux quotidien d'une incontestable objectivité belge, a publié, au lendemain du grand débat pour la seconde tournée, une irréfutable analyse due à monsieur Stephen Bunard, présenté comme « coach en communication et synergologue ».

Et, franchement, on s'y croirait :

Sarkozy était assez conforme à ce qu'il est habituellement, avec des codes inconscients de séduction, comme lorsqu'il présente davantage la partie gauche de son visage ou qu'il effectue des mouvements d'épaules. Il a également usé de codes de domination, notamment en pointant l'index. Mais il a beaucoup plus maitrisé son côté surexpressif, pleins d'émotions, qui le traverse habituellement, en tentant plutôt de paraitre pédagogue. Il a d'ailleurs bien rempli son contrat.

(...)

[Hollande] a plutôt montré un rejet de Sarkozy et de sa politique. Il sortait souvent la "langue de vipère" pour tacler l'adversaire. Il le mettait aussi à distance, en penchant la tête en arrière, en le regardant de haut. De ce point de vue, il a affiché plus de pugnacité, d'agressivité que d'habitude, mais sans aller jusqu’au bout de la logique. Il a, par exemple, adopté les "lèvres en huitre", qui signifient une maitrise du discours.

Et, en plus, on comprend tout :

Je pointerais juste l'attitude de Sarkozy sur la question du nucléaire. Quand il a dit "j'ai pris des engagements", il a commencé à se toucher le nez, ce qui montre un problème d'image, de confiance.


Le geste fatal, et pourtant si coutumier.
(Photo Reuters, prélevée sur le Lab Europe 1, où elle est ainsi légendée :
Lorsque l'on attaque son image, Nicolas Sarkozy se touche le nez, 
il se rassure inconsciemment.)


mercredi 6 juin 2012

Le temps de la lecture

Il y a maintenant quelques années, au sortir de la lecture d'une note du blogue de Pierre Assouline, académicien Goncourt, j'avais, à toutes fins utiles, reporté sur mon bêtisier ce commentaire pénétrant :

Pas lu Magris.
Ne pense pas avoir le temps.

Cette remarquable contribution critique était signée d'un certain Génie Sans Bouillir...

La notule du célèbre Passou ne manquait pas de reprendre l'idée reçue habituelle sur Claudio Magris qui serait, pour le public, l'écrivain d'un seul livre, Danube (1)... Mais, si mes souvenirs sont bons, elle portait sur Vous comprendrez donc (2) - que notre pauvre Génie Sans Bouillir n'aura probablement pas le temps de lire non plus.

Je ne puis que le plaindre très sincèrement.

Cependant, toute ma compassion ne m'empêchera pas de me réjouir d'avoir pris le temps de lire Danube, évidemment, mais aussi le limpide Microcosmes (3), sans oublier  À l'aveugle (4), vertigineux roman que je pense bien avoir le temps de relire un de ces jours.

Peut-être après avoir achevé la lecture - très lente car je serai triste quand j'aurai terminé - que je fais actuellement d'Alphabets (5).




Alphabets regroupe un choix de chroniques littéraires données par Claudio Magris au Corriere della Serra durant ces vingt dernières années, et quelques articles, souvent plus étendus, parus en revue. Ces textes sont généralement assez courts, de cinq à dix pages, et chacun est un petit essai critique original, érudit, sensible, malicieux, intelligent...

L'on comprendra aisément que la lecture vespérale de ces pages ait pu avantageusement remplacer pour moi, et en y faisant écran, celle des journaux, nettement plus déprimante en cette interminable période électorale...

Par ailleurs, on admettra qu'aucun quotidien en langue française n'est en mesure de proposer épisodiquement à ses abonnés le moindre équivalent aux chroniques de Claudio Magris dans le Corriere della Serra.

(Non, restons sérieux et ne venez pas me parler de celles que monsieur Philippe Sollers arrive à placer ici ou là...)

Écrivain nobélisable depuis une éternité, et de surcroît éminent universitaire, Claudio Magris se présente surtout dans ces pages comme un lecteur attentif et passionné - un semblable, un frère, si l'on veut. Dans le texte d'ouverture, Livres de lecture, il évoque des épisodes marquants de sa vie de jeune lecteur, à commencer par le premier livre « destiné à rester en quelque sorte et pour toujours le Livre, la rencontre avec la parole qui contient et en même temps invente la réalité ». Il s'en souvient parfaitement, il venait d'avoir six ans, et il s'agissait des Mystères de la jungle noire, d'Emilio Salgari. Il se décrit, « quelques années plus tard, passant des heures entières dans l'arrière-boutique d'une librairie de Trieste dont le propriétaire gardait toujours une toque sur la tête ». On y fouille avec lui - car on l'a fait, comme lui, dans d'autres lieux, parmi d'autres livres - pour découvrir, dans les volumes défraîchis de la Biblioteca dei popoli, « le Mahabharata et le Ramayana sanskrits, le Kalevala finnois, puis l'Edda, la Chanson des Nibelungen, les sagas norroises, tous ces grands poèmes épiques qui racontent la création du monde, la lutte entre le bien et le mal et expriment les valeurs d'une civilisation ». S'esquisse peu à peu le portrait de l'écrivain en lecteur, au travers de ces livres « dont la liste constitue [s]a carte d'identité ».

Qu'Alphabets puisse apparaître comme un autoportrait, Claudio Magris y fait allusion dans ce premier texte en se référant, comme il se doit, à Borges :

Un personnage de Borges qui peint des paysages s'aperçoit à la fin que c'est son propre visage qu'il a peint, et c'est ce qui arrive aussi à celui qui parle de livres. Mais le tout, c'est bien connu, n'est pas la somme des parties et le portrait complet, dans ce cas également, est inférieur, et de beaucoup, aux divers éléments dont il se compose.

Et c'est une citation du même qui conclut :

Un jour, en Chine, une étudiante de l'université de Xi'an m'a demandé ce qu'on perd en écrivant. Question difficile, kafkaïenne. Et en lisant ? Borges a dit un jour que d'autres pouvaient, s'ils le voulaient, tirer gloire des livres qu'ils avaient écrits, mais que sa gloire à lui, c'étaient les livres qu'il avait lus.

On dira donc qu'Alphabets contient une grande part de la gloire de Claudio Magris. L'éditeur a prévu un précieux index nominum, et les traducteurs une liste des traductions françaises existantes des œuvres citées. 

On ne perd rien à le lire.

Pas même son temps.



(1) Danubio, 1986, traduit en français en 1990 par Jean et Marie-Noëlle Pastureau, depuis longtemps disponible en folio/Gallimard.

(2) Lei dunque capirà, 2006, traduit par Jean et Marie-Noëlle Pastureau pour les éditions Gallimard, collection « L'Arpenteur », 2008.

(3) Microcosmi, 1997, aussitôt traduit par les Pastureau, et lui aussi disponible en folio.

(4) Alla Cieca, 2005, traduit sans tarder par les mêmes et également repris en poche.

(5) Alfabeti, 2008, traduit par Jean et Marie-Noëlle Pastureau, Gallimard, collection « L'Arpenteur », 2012.

dimanche 3 juin 2012

Le saxophone à pédales

Sans aucun doute, il est concevable de construire une variété d'harmonium rudimentaire ne jouant que le registre du saxophone. 

Mais Guillaume Perret ne pratique pas ce type d'instrument à pédales. D'habitude il souffle dans un saxophone ténor - voire soprano -, qui semble équipé comme pour un électrocardiogramme, et les pédales lui servent à modifier à son gré le son émis et produire à volonté ce que l'on nomme, en franglo-saxon, des effects.

Cela s'appelle un saxophone électrique et avec un tel engin on peut faire n'importe quoi.

Guillaume Perret, lui, a choisi de faire de la musique.

The Electric Epic  :
Guillaume Perret, saxophone à pédales; 
Jim Grandcamp, guitare électrique; 
Philippe Bussonnet, guitare basse; 
Yoann Serra, batterie.
(Jazz sous les pommiers, 2 juin 2011.)

Guillaume Perret et son groupe, The Electric Epic, ont eu, il y a quelque temps, les honneurs de la presse à l'occasion de la sortie de leur premier disque. La critique a probablement été très impressionnée de le voir paraître sous le prestigieux label Tzadik, celui de John Zorn...
On pourra lire, avec intérêt ou amusement, l'article dithyrambique de Dominique Queillé, dans Libération-Next du 13 avril. On y découvre, narré dans le plus (artificiellement) fleuri des langages, le récit halluciné d'un concert de l'Epic durant le festival Banlieues Bleues et la merveilleuse histoire du vaillant petit saxophoniste savoyard.
On regrette de n'avoir pas été présent au Blanc-Mesnil :

Entre rage et émotion, fondamentalement jazz (chorus compris) mais toujours sur un fil à faire valser les étiquettes, le saxophoniste et son Electric Epic ont pulvérisé une matière sonore éclatée dont l’énergie ne déparerait pas les scènes des Eurockéennes ou de la Route du rock. Une poésie urbaine à la fois sauvage et tendre, mise en orbite par une ouverture hypnotique dans l’obscurité. Avec juste un faisceau rouge éclairé dans le pavillon du saxo, le jeune jazzman scande le frémissement de l’ébullition à venir. (...) S’y coagule une appétence maîtrisée des effets électrifiés - pédales et autres machines - dont les bidouillages au service d’un chaos collectif en pleine cohésion accélèrent les courants alternatifs, passant d’une écriture à la lettre à l’impro débridée. Distorsion, fusion, nouveau son. Répit organique et plus intimiste, une composition pour bec tempère la montée de sève trash galvanisante.

Et le directeur du festival aurait finement conclu :

« Ils ont mis la barre très haut ! »

Après avoir proféré le retentissant « Yesssssss... » qui s'impose, le lecteur apprendra, notamment, que notre
« prodige français surgi de nulle part » est natif d'Annecy, et que, « plutôt routard, sac à dos et cuivre en bandoulière », ce « sage garnement autodidacte, âgé de 31 ans, (...) n’en fait qu’à sa tête depuis de brillantes études au conservatoire (classique et jazz) ». Et il n'en reviendra pas en lisant qu'« à la réception du disque, John Zorn a réagi par trente pages de mail, commentant chaque morceau, avant de conclure par « Huge respect » (total respect) ». Mais on l'avait déjà prévenu que John Zorn avait « édité sans délai » ce disque et cela « malgré un calendrier booké pour les deux prochaines années ».

Si, conquis par cette prose, le lecteur se mettait à chercher naïvement le cédé chroniqué de si promotionnelle manière - assavoir un certain Brutalum Voluptuous, 
« manifeste sonique dans le siècle » (!) que Dominique Queillé prétend avoir écouté -, il n'en trouverait aucune trace dans le catalogue Tzadik... Il y trouvera un Guillaume Perret & The Electric Epic par Guillaume Perret & The Electric Epic, ne comportant, en outre, aucune plage intitulée Brutalum Voluptuous.

(Les programmes du New Morning et du festival de jazz de la Défense, où notre saxophoniste doit bientôt se produire avec sa formation, reprennent tous deux la même fausse information...)


Peu importe l'origine de cette bévue, la musique de Guillaune Perret est là.

Et depuis quelque temps déjà...

Si une critique paresseuse la découvre maintenant, les amateurs avaient pu déjà l'entendre dans des salles où l'on n'attend pas le coup de baguette miraculeuse du magicien John Zorn pour écouter les vrais musiciens.

Par exemple au Triton - 11bis rue du Coq Gaulois, Les Lilas, métro Porte des Lilas - où a été tournée cette vidéo qui est un bel hommage au jazz éthiopien :



Ethiopic Vertigo au Triton, 19 juin 2010.
(Deux autres extraits de ce concerts ici et...)

Quant au fameux Brutalum Voluptuous, c'est bien un morceau du groupe, prévu sur la maquette, disponible en ligne, de leur premier disque.

Le voici :



(Cet enregistrement date de 2009.)

vendredi 1 juin 2012

Une vie nouvelle

Il n'est pas facile de survivre au mol effondrement du sarkozisme...

Ce pauvre monsieur Guaino ne viendra pas me contredire, qui, à propos du démis président, a déclaré dimanche sur France 5 :

Je ne me sens pas orphelin, je ne cherchais pas un père en politique mais il me manque, oui.

Actuellement, notre homme chercherait plutôt, dit-on, à recycler son immense talent à l'Assemblée Nationale. Vanessa Schneider, « envoyée spéciale aux Clayes-sous-Bois, Yvelines » pour le quotidien Le Monde, en brosse un délicat portrait en « conseiller lyrique devenu candidat empoté » :

Dans cette circonscription en or, où plus de 63 % des électeurs ont voté Sarkozy au second tour de la présidentielle, M. Guaino peine à trouver ses marques. Pendant cinq ans, il a bénéficié d'un secrétariat, d'une voiture de fonction et d'un magnifique bureau à l’Élysée. Voilà aujourd'hui ce Parisien du 7e arrondissement dans le RER, un peu désorienté, pour rejoindre une poignée de militants. Sa permanence électorale, dénichée à la va-vite, n'a pas l'électricité. Sa petite équipe doit se mettre à la recherche d'un nouveau local.

On peut s'attendre au pire si un jour cet homme devait se rendre à un rendez-vous chez Pôle Emploi...

Pour l'instant, il est encore sous le choc :

Henri Guaino est ému. "C'est toujours difficile de démarrer une campagne, c'est toujours difficile de commencer une nouvelle vie, murmure-t-il. Il n'est jamais simple de tourner une page comme celle que je viens de tourner."


La photo date du 29 avril 2012, 
et déjà le vagalame s'est installé...
(Thomas Samson, AFP-point-com.)

Grand lecteur, monsieur Guaino ne doit pas ignorer qu'il aborde là le grand thème universel de l'Incipit vita nova...

In quella parte del libro de la mia memoria dinanzi a la quale poco si potrebbe leggere, si trova una rubrica la quale dice : Incipit vita nova.

Ce que Max Durand Fardel - Paris, 1898, en ligne sur le site du Project Gutenberg - traduit par :

Dans cette partie du livre de ma mémoire, avant laquelle on ne trouverait pas grand'chose à lire, se trouve un chapitre (rubrica), ayant pour titre: Incipit vita nuova (Commencement d'une vie nouvelle).

Depuis Dante, de nombreux plumitifs ont brodé sur ce thème de l'accession à une vie nouvelle, et beaucoup trop, à mon goût, en adoptant le ton geignard et faussement digne d'Henri Guaino... J'en possède déjà une belle collection, et j'espère que notre auteur me permettra un jour de la compléter.

J'ai d'ores et déjà passé commande.