"L'escalier, toujours l'escalier qui bibliothèque et la foule au bas plus abîme que le soleil ne cloche."

Robert Desnos,
Langage Cuit, 1923.

vendredi 16 novembre 2012

Gazouillis guerriers de Tsahal

L'Armée de défense d'Israël est l'une des rares armées du monde à être, dans la presse, affectueusement désignée par un surnom, une sorte de « nom de guerre », Tsahal. On peut y voir comme un indice de l'ampleur de la popularité acquise par cette formation militaire sur l'ensemble de la planète - à quelques exceptions assez irréductibles près, qu'il convient de signaler en passant et en toute objectivité. Ce capital de sympathie s'enrichit de soutiens médiatiques divers, et tout un chacun peut s'y investir, en apportant sa modeste contribution.

Ne serait-ce qu'en offrant une pizza - une pizza, oui, mais une tsahal-pizza ! - aux « jeunes soldats et soldates » qui « avec une éthique unique au monde, protègent au dépit de leur vie le peuple d'Israël »...


Capture d'écran de la page d'accueil d'un site contributif.
(Paiement sécurisé.)

Depuis peu, le monde entier s'est aperçu que Tsahal était capable de gazouiller.

Si l'on en croit le titre d'un billet du blog Big Browser, hébergé par le quotidien français de référence, « Israël inaugure le suivi en direct de ses opérations militaires », inventant du même coup la « guerre 2.0 » - en majuscules dans le texte.

Bien sûr, les rédactions hexagonales se mirent à frétiller du neurone. A croire que chacun(e) s'y sentait cablé(e) comme un sous-Baudrillard deux-point-zéro... Rapidement on ficela des papiers sur le sujet et, dans la journée d'hier, il en fleurit sur les sites de Rue 89, du Nouvel Observateur, du Figaro et de 20 minutes... J'en ai sûrement oublié, mais je tiens à accorder une mention spéciale à Sébastien Seibt qui, sur le site de France 24, a signé un article posant le seul vrai problème :

Tsahal a-t-elle enfreint les règles de conduite de Twitter ?

Je sens que la question de savoir si l'armée qui possède « une éthique unique au monde » n'aurait pas commis un « éventuel cyber-faux pas » vous taraude autant que moi...

Gaza, 14 novembre 2012.
(Photo : Anne Paq.)

Mercredi, au premier jour de l'attaque sur Gaza, Omar, 11 mois, le fils de Jihad Misharawi, est mort brulé.

Cela n'a rien d'un « éventuel cyber-faux pas », car cela ressemble trop à un crime.

C'est la douleur d'un père portant son fils jusqu'à la morgue qu'Anne Paq a photographiée.

Au soir de ce 14 novembre, elle écrivait sur son blog Chroniques de Palestine :

Gaza est la cible d'attaques de tous les côtés, y compris de la mer. 

 On compte déjà 8 martyrs et des dizaines de blessés, dont certains très graves. 

 Au moment où j'écris maintenant, je suis de retour chez moi. Alors que je faisais la sélection des photos, j'entendais le bruit effrayant des bombes. La rue fut bientôt vide de voitures et il n'y a presque pas de lumière. J'ai bougé loin des fenêtres qui peuvent facilement être brisées si certains explosions arrivent à proximité. Dans l'hôpital Al Shifa, c'était le chaos total avec un flot continu de blessés. 

Quand je suis arrivée à la section où ils traitent les personnes brûlées, certaines femmes se sont effondrées de chagrin, elles venaient d'apprendre qu'Omar Jihad Masharawi, un bébé de 1 an venait de mourir de ses blessures. Une des femmes était sa mère, une autre sa grand-mère. 

Je suis allée le prendre en photo avec d'autres photographes, je ne peux pas décrire ce que j'ai vu avec des mots, et je ne peux non plus publier ces images d'un bébé brûlé. C'est l'horreur la plus totale. 

 Plus tard, le père d'Omar l'a porté jusqu’à la morgue, en pleurant tous les larmes de son cœur, suivi d'une foule en colère. 

(...) 

Je ne peux pas dormir et ne peux pas chasser l'image d'Omar hors de ma tête. Pourquoi Omar devait-il mourir ?

Elle n'a pas touitté cette douleur.

On peut tenter de dire cette horreur, mais pas en 140 caractères.


PS : Pour une vraie réflexion, voir l’indispensable Alain Gresh, Gaza, assassinats et désinformation, dans le Monde diplomatique ; et pour des informations, le point sur la situation du 15/11, et du 16/11 - à suivre, hélas ! -, sur la Plateforme des ONG françaises en Palestine.

4 commentaires:

  1. Oui, les images d'un bébé brûlé, c'est l'horreur la plus totale. Dix ans après je m'en souviens et en pleure encore comme si c'était hier, même si les circonstances n'avaient rien à voir avec celles-ci. Et la mienne, de bébée, s'en est – bien – sortie.
    Bise, Monsieur Guy

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  2. En fait Tsahal est l'acronyme de Tsva Haganah lé-Israël, qui signifie "Force de défense d'Israël". Ça ne les rend pas plus sympathiques pour autant, on est bien d'accord.
    "Quand les hommes vivront d'amour", chantait le poète…

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    1. Tsahal, qui communique en anglais, se désigne aussi par l'acronyme IDF - Israel Defense Forces.

      Ces forces ne vivent pas seulement de pizzas...

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