"L'escalier, toujours l'escalier qui bibliothèque et la foule au bas plus abîme que le soleil ne cloche."

Robert Desnos,
Langage Cuit, 1923.

vendredi 8 juin 2012

Paroles d'experts

Si je bloguais dans la catégorie « Experts multithématiques et nonobstant monomaniaques » , j'aurais intitulé ce billet

Pourquoi Sarkozy aurait dû gagner
et pourquoi il a perdu.

(Car c'est bien de cela que je vais discourir.)

Et

paf !

j'aurais eu deux cent trente quatre commentaires de lecteurs n'ayant lu que le titre.

(Car c'est un très beau titre, surtout en grasses italiques...)

Thème astral de Nicolas Sarkozy.

Nicolas Sarkozy aurait dû sortir vainqueur de la dernière élection présidentielle car tel était son destin.

On peut le voir de manière parfaitement claire sur le schéma ci-dessus.

La Tribune de Genève, très sérieux quotidien à l'objectivité suisse affirmée, a offert aux lecteurs  de son site quelques compléments d'information sur ce sujet. On peut y voir et entendre, notamment, madame Audray Gaillard, politico astrologue, émettre cette intéressante pronostication :

Sur le plan de la séduction, Nicolas Sarkozy possède actuellement un excellent transit de Vénus qui arrivera à sa culmination le soir du 6 mai prochain, avec cet aspect il a plus d'un atout dans sa manche pour convaincre et séduire.

On devinait qu'avoir « un excellent transit » était un « atout » dans une vie de séducteur convaincant, et en voila une confirmation quasi scientifique.

Si l'on apprécie les pourcentages, on peut regretter que les expert(e)s de l'astrologie ne chiffrent pas davantage leurs prédictions. Cela explique sans doute pourquoi Le Figaro s'est tourné vers d'autres savants prévisionnistes à compétence reconnue et attestée par des titres universitaires.

Le 8 mars, malgré des sondages calamiteux pour le président maintenant sorti, le très sérieux quotidien à l'objectivité française confirmée publiait, sous le titre Les maths donnent Sarkozy victorieux avec 50,3% des voix, un entretien avec Bruno Jérôme qui, avec Véronique Jérôme, aurait prévu « victoire du président sortant d'une courte tête ». Nos « deux universitaires français » ont, nous dit-on, obtenu ce résultat, indépendamment de tout bricolage sur un échantillon représentatif, en utilisant « une équation basée sur la popularité, l'évolution du chômage et le comportement des électeurs dans les élections passées ». Mais on ne nous donne aucun détail sur la formule magique utilisée, pas plus qu'on ne nous avertit que les « deux universitaires français » ne sont pas mathématiciens - d'où quelques réactions d'humeur chez leurs faux confrères...



Verdict des urnes, comme on dit, en fausses couleurs.
(Origine : Radio France.)

Pour bien comprendre le pourquoi de cette défaite de Nicolas Sarkozy, qui a fait mentir les astres et les maths, il faut, à mon avis d'expert multithématique et nonobstant monomaniaque, se tourner vers les praticiens d'une autre discipline scientifique : la synergologie.

La Libre Belgique, très sérieux quotidien d'une incontestable objectivité belge, a publié, au lendemain du grand débat pour la seconde tournée, une irréfutable analyse due à monsieur Stephen Bunard, présenté comme « coach en communication et synergologue ».

Et, franchement, on s'y croirait :

Sarkozy était assez conforme à ce qu'il est habituellement, avec des codes inconscients de séduction, comme lorsqu'il présente davantage la partie gauche de son visage ou qu'il effectue des mouvements d'épaules. Il a également usé de codes de domination, notamment en pointant l'index. Mais il a beaucoup plus maitrisé son côté surexpressif, pleins d'émotions, qui le traverse habituellement, en tentant plutôt de paraitre pédagogue. Il a d'ailleurs bien rempli son contrat.

(...)

[Hollande] a plutôt montré un rejet de Sarkozy et de sa politique. Il sortait souvent la "langue de vipère" pour tacler l'adversaire. Il le mettait aussi à distance, en penchant la tête en arrière, en le regardant de haut. De ce point de vue, il a affiché plus de pugnacité, d'agressivité que d'habitude, mais sans aller jusqu’au bout de la logique. Il a, par exemple, adopté les "lèvres en huitre", qui signifient une maitrise du discours.

Et, en plus, on comprend tout :

Je pointerais juste l'attitude de Sarkozy sur la question du nucléaire. Quand il a dit "j'ai pris des engagements", il a commencé à se toucher le nez, ce qui montre un problème d'image, de confiance.


Le geste fatal, et pourtant si coutumier.
(Photo Reuters, prélevée sur le Lab Europe 1, où elle est ainsi légendée :
Lorsque l'on attaque son image, Nicolas Sarkozy se touche le nez, 
il se rassure inconsciemment.)


6 commentaires:

  1. "Il sortait souvent la "langue de vipère" pour tacler l'adversaire." Je ne savais pas que Nadine Morano écrivait dans un journal belge ?

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  2. C'est une reconversion à envisager.

    Mais aurait-elle le talent nécessaire ?

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  3. «...président sortant d'une courte tête...»... C'était tout de même facile d'intégrer au calcul mathématique la hauteur de talonnettes nécessaire et suffisante pour que la tête sorte franchement ! À quoi on paye nos chercheurs, pfff...

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  4. Trop intrigué par l'équation, je n'avais pas noté ce détail...

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  5. J'ai appris quelque chose. Jusque là je pensais qu'avoir un bon transit c'était surtout bon pour la santé. J'ignorais que c'était aussi terrible pour séduire. Je le note. Mais comment placer ça élégamment et naturellement dans la conversation ?

    Euh, on sait ce qu'est cette fameuse langue de vipère que monsieur Hollande sortait pour tacler son adversaire ? J'avais eu l'impression qu'il en avait une normale et qu'il ne la tirait pas à tout bout de champ.

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  6. Un excellent transit de Vénus doit, je pense, assurer quelque chose comme teint éclatant et haleine fraîche, éléments non négligeables dans une entreprise de séduction.

    Je suis beaucoup moins au point sur la langue de vipère, que je ne pratique pas...

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