"L'escalier, toujours l'escalier qui bibliothèque et la foule au bas plus abîme que le soleil ne cloche."

Robert Desnos,
Langage Cuit, 1923.

lundi 8 octobre 2012

Une histoire en attente

Ce n'est pas seulement en voisin qu’Éric Hazan vient régulièrement présenter, à la librairie L'Atelier - 2bis rue du Jourdain -, les livres qu'il écrit ou qu'il édite. C'est aussi sans aucun doute parce qu'il lui suffit de gravir quelques mètres de dénivelé de la colline de Belleville pour se retrouver en territoire de complicité et d'amitié avec les responsables du lieu, Georges-Marc Habib, le patron, et Natacha de la Simone, la responsable du rayon sciences humaines et polars, et, bien sûr, avec ses lectrices et lecteurs.

Sa dernière apparition officielle à cette altitude est récente. Elle eut lieu ce vendredi, le 6 octobre, et notre homme en a profité pour faire une présentation de son dernier livre, Une histoire de la Révolution française, paru en septembre aux éditions La fabrique.

Mes deux abonné(e)s pourront se vanter, avec la discrétion que je leur suppose, auprès de leur(e)s ami(e)s moins bien pourvu(e)s côté réseaux sociaux, de suivre un blogue tenu par un qui y était...


Le livre d'Hazan est maintenant en attente de lecture, sur le coin de ma table de travail, au sommet de la pile des ouvrages à dépouiller sans délai.

Car, autant le dire, il ne m'est pas du tout indifférent qu'un auteur comme Éric Hazan ait entrepris d'écrire une histoire de la Révolution française. Cette histoire, en effet, semble majoritairement considérée comme un fâcheux accident de l'Histoire que l'on peut juger de manière expéditive d'un mot dicté par nos actuels préjugés. C'est à peine si l'on s'étonne d'entendre, au cours d'une émission de parlotes télévisées à prétentions impertinentes, un sinistre « comique » ramener son grain de gros sel :

La Révolution a été une boucherie... après ça devient une charcuterie infâme... et, moi, je suis fils de charcutier, je sais ce que c'est...

Cette sortie en eau de boudin est assez caractéristique du prêt-à-penser dominant. Il s'exprime ailleurs en des termes mieux choisis et avec plus de subtilité. En faisant, pour rester dans le ton, un résumé au hachoir à viande, on peut considérer que la tendance est d'envisager l'épisode révolutionnaire comme la matrice exemplaire des totalitarismes qui ont marqué le XXe siècle. Cette conception, désormais bien ancrée dans les esprits, a fini par s'imposer massivement pendant les années encadrant les célébrations du bicentenaire de la Révolution, qui se sont déroulées sous la présidence d'un ancien pétainiste et sous l'influence d'un historien renégat.

Le livre d’Éric Hazan n'entend pas prendre part aux débats historiographiques, maintenant bien retombés, sur la période révolutionnaire. Ce serait là, dit l'auteur dans son introduction, un « sujet intéressant, mais pour un autre livre » - et j'espère n'être pas le seul à souhaiter qu'il s'attelle à cet « autre livre ». Mais, sans les ignorer, il fait peut-être mieux en rafraîchissant l'image de la Révolution, et en restaurant certaines zones de cette image effacées par le révisionnisme historique qui a fini par s'imposer...

(C'est du moins ce que la présentation qui a été faite de ce travail, ainsi que les extraits qui en ont été lus, m'ont laissé supposer.)

Maximilien Robespierre, dit Joseph,
portrait idéologique convenu,
dernier quart du XXe siècle.

Durant cette soirée, un intervenant de ma génération a évoqué l'image positive de la Révolution française qui lui avait été enseignée pendant ses années studieuses chez les bons pères, où Robespierre lui avait été surtout, disait-il, présenté comme « l'incorruptible »... Cela me conduisit à me demander quelle image j'avais retenue de l'enseignement beaucoup plus réactionnaire que j'avais moi-même reçu chez d'autres religieux. Je crois que, allant à rebours des leçons alors données, je m'étais fait une idée de l'émergence, dans cet événement, d'une vérité. Et j'ai été heureux d'entendre Eric Hazan la nommer, un peu plus tard, en répondant à la question de savoir quel « chantier » avait, selon lui, ouvert la Révolution française.

Cette vérité, c'est celle de l'égalité.

Et j'espère que son livre nous rappelle cela...

Car, s'il faut vraiment parler de « chantier », il faut constater que celui-là est resté en attente.

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