"L'escalier, toujours l'escalier qui bibliothèque et la foule au bas plus abîme que le soleil ne cloche."

Robert Desnos,
Langage Cuit, 1923.

mercredi 30 mai 2012

Une droite apaisante


Le président de la Ligue des droits de l'homme (LDH) des Bouches-du-Rhône, Bernard Eynaud, a affirmé jeudi soir à l'AFP avoir été agressé par des riverains, excédés par la présence de familles roms dans un quartier de Marseille.

Que croyez-vous que fit l'AFP ?

Une dépêche, bien sûr !

On vient d'en lire le parfaitement synthétique premier paragraphe.

La suite juxtapose avec brio deux récits, celui de Bernard Eynaud et celui d'« un commissaire de permanence », joint par l'AFP.

Pour ce policier, qui a évoqué "une situation un peu confuse", "des riverains un peu excédés par la présence des Roms ont eu maille à partir" avec les militants associatifs, déjà partis à l'arrivée des forces de l'ordre et qui n'ont donc pas laissé leurs identités.

De son côté, le président de la LDH 13 parle de « "coups de poing" de la part d'une quarantaine de riverains, "venus intimider" une trentaine de famille tziganes installés sur le campus du technopôle de Château-Gombert (13e arrondissement). »

Ces riverains, qui ont également proféré des insultes à l'encontre des militants et des tziganes, étaient accompagnés d'élus UMP, en campagne pour les élections législatives.

A-t-il ajouté.

Selon la dépêche de l'AFP.

(On trouvera le communiqué, non réécrit, de Bernard Eynaud sur le site de Mille Babords.)

La source policière de permanence « n'a pas pu confirmer à l'AFP la présence d'élus UMP ».

Et il semble que les journalistes de l'AFP n'ont pu les joindre...

Pourtant un article de Sophie Manelli, dans La Provence, relate la présence, « en visite jeudi dans le quartier », de madame Nora Preziosi, candidate UMP aux législatives dans cette circonscription - la troisième -, et de son directeur de campagne, monsieur Gérard Chenoz, vice-président UMP de la communauté urbaine. Une photographie - légendée : Jeudi soir, la candidate UMP aux législatives Nora Préziosi a visité le campement avec les riverains - illustre ce grand moment de convivialité :
  

(Photo : Guillaume Ruoppolo.)

Si cet article fait allusion à l'« échauffourée [qui] a opposé le président de la Ligue des Droits de l'Homme à des habitants », il est surtout consacré à une description implacable des misères que vivent les riverains qui « se saigne[nt] aux quatre veines pour s'offrir un peu de tranquillité », et confient à la journaliste, qui en fait un intertitre :

« On n'ose plus promener le chien ou laisser les enfants jouer dehors. »

(De toute façon, il faudrait choisir : on ne laisse pas les enfants jouer parmi les déjections canines, tout de même !)

La Dépêche ne fait aucun lien entre la visite de campagne de madame Preziosi et l'« échauffourée », et, d'après Ml actu.fr, madame Preziosi non plus :

« Je faisais campagne et j’ai appris que les esprits s’échauffaient. Avec mes soutiens nous nous sommes rendus là-bas et j’ai tenté d’apaiser la situation. Quand je suis partie, rien ne s’était passé. »

Cependant, on peut lire, cette fois sur marsactu.fr, un tout autre récit de cette tentative d'apaisement :

Peu après 20 heures, suite à une discussion animée sur la situation du quartier, les riverains accompagnés de la candidate sont descendus sur le campement, provoquant la peur des habitants qui ont ensuite appelé les associations qui les soutiennent dont certains représentants sont arrivés rapidement sur le terrain. Un documentariste de l'équipe de Serge Moati, Christophe Lancellotti, était sur place. "Le responsable de la Ligue des Droits de l'homme est venu me demander ce qu'il se passait. A peine était-il arrivé que l'on était entouré des voisins. Il s'est fait agresser verbalement. Le ton est monté à tel point que j'ai eu peur pour mon matériel. Je n'ai pas vu de coups jusqu'à ce que je réussisse à sortir de l'attroupement", précise-t-il.

En un raccourci saisissant, l'auteur de l'article, Jean-Marie Leforestier, ajoute :

Aux yeux du réalisateur, l'équipe de Preziosi a plutôt cherché à calmer le jeu quand les associatifs expliquent le contraire.

Mais peut-être ces yeux étaient-ils un peu trop focalisés sur son précieux matériel...

Car on peut se demander quel apaisement pourrait apporter, dans cette situation, madame la candidate qui déclare :

« Ce qu'il s'est passé ? Les gens, ils en peuvent plus ! Ils sont cambriolés régulièrement, les enfants des Roms vont à l'école alors que leurs enfants n'ont pas tous eu des places, etc. » (Source : Marsactu.)

Ou encore :

« Je ne suis pas une facho, je suis de la droite sociale, je suis allée parler à ces Roms, la misère dans ma délégation (*) j’y suis tous les jours confrontée. La Ligue des Droits de l’Homme n’a pas de leçon de morale à me faire, moi je les avais appelé pour manifester lors de l’affaire Sakineh, personne ne m’avait répondu. Souvent ces gauchos ont des terrains, ils n'ont qu'à les accueillir ! » (Source Mlactu.)

Sophie Manelli concluait son article de La Provence par ces mots :

Et si la politique, c'était l'art de souffler sur les braises ?...

(Mais c'était à propos d'un communiqué du Front de Gauche.)


(*) Madame Preziosi est déléguée à l’Action Familiale et aux Droits des Femmes à la Mairie de Marseille.


2 commentaires:

  1. Bonjour,

    J'ai bien parlé à mars actu le lendemain et avec plaisir. Je suis un peu surpris (mais je connais les journalistes...) car je n'ai jamais dit avoir eu peur pour mon matériel... J'avais expliqué que lorsque les esprits s'étaient échauffés ma caméra était déjà rangée car j'étais sur le point de quitter les lieux.
    Le matériel n'est que du matériel.
    J'ai vu le représentant de la ligue se faire agresser verbalement, se faire bousculer, je me suis mis à ses côtés et dix minutes après je suis parti. Bien avant les vrais coups portés s'il y a eu coups... je n'en sais rien.
    Je précise qu'un membre de l'équipe Preziosi a dit clairement de ne pas se battre, que c'était contre-productif.
    Voilà.
    pour le reste je crois que ce que j'ai filmé est parlant. Chacun y voit ce qu'il veut...
    Christophe Lancellotti

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    1. Merci de votre témoignage.

      (Et pardon pour le clin d’œil à propos du matériel...)

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