Mais Guillaume Perret ne pratique pas ce type d'instrument à pédales. D'habitude il souffle dans un saxophone ténor - voire soprano -, qui semble équipé comme pour un électrocardiogramme, et les pédales lui servent à modifier à son gré le son émis et produire à volonté ce que l'on nomme, en franglo-saxon, des effects.
Cela s'appelle un saxophone électrique et avec un tel engin on peut faire n'importe quoi.
Guillaume Perret, lui, a choisi de faire de la musique.
The Electric Epic :
Guillaume Perret, saxophone à pédales;
Jim Grandcamp, guitare électrique;
Philippe Bussonnet, guitare basse;
Yoann Serra, batterie.
(Jazz sous les pommiers, 2 juin 2011.)
Guillaume Perret et son groupe, The Electric Epic, ont eu, il y a quelque temps, les honneurs de la presse à l'occasion de la sortie de leur premier disque. La critique a probablement été très impressionnée de le voir paraître sous le prestigieux label Tzadik, celui de John Zorn...
On pourra lire, avec intérêt ou amusement, l'article dithyrambique de Dominique Queillé, dans Libération-Next du 13 avril. On y découvre, narré dans le plus (artificiellement) fleuri des langages, le récit halluciné d'un concert de l'Epic durant le festival Banlieues Bleues et la merveilleuse histoire du vaillant petit saxophoniste savoyard.
On regrette de n'avoir pas été présent au Blanc-Mesnil :
Entre rage et émotion, fondamentalement jazz (chorus compris) mais toujours sur un fil à faire valser les étiquettes, le saxophoniste et son Electric Epic ont pulvérisé une matière sonore éclatée dont l’énergie ne déparerait pas les scènes des Eurockéennes ou de la Route du rock. Une poésie urbaine à la fois sauvage et tendre, mise en orbite par une ouverture hypnotique dans l’obscurité. Avec juste un faisceau rouge éclairé dans le pavillon du saxo, le jeune jazzman scande le frémissement de l’ébullition à venir. (...) S’y coagule une appétence maîtrisée des effets électrifiés - pédales et autres machines - dont les bidouillages au service d’un chaos collectif en pleine cohésion accélèrent les courants alternatifs, passant d’une écriture à la lettre à l’impro débridée. Distorsion, fusion, nouveau son. Répit organique et plus intimiste, une composition pour bec tempère la montée de sève trash galvanisante.
Et le directeur du festival aurait finement conclu :
« Ils ont mis la barre très haut ! »
Après avoir proféré le retentissant « Yesssssss... » qui s'impose, le lecteur apprendra, notamment, que notre « prodige français surgi de nulle part » est natif d'Annecy, et que, « plutôt routard, sac à dos et cuivre en bandoulière », ce « sage garnement autodidacte, âgé de 31 ans, (...) n’en fait qu’à sa tête depuis de brillantes études au conservatoire (classique et jazz) ». Et il n'en reviendra pas en lisant qu'« à la réception du disque, John Zorn a réagi par trente pages de mail, commentant chaque morceau, avant de conclure par « Huge respect » (total respect) ». Mais on l'avait déjà prévenu que John Zorn avait « édité sans délai » ce disque et cela « malgré un calendrier booké pour les deux prochaines années ».
Si, conquis par cette prose, le lecteur se mettait à chercher naïvement le cédé chroniqué de si promotionnelle manière - assavoir un certain Brutalum Voluptuous, « manifeste sonique dans le siècle » (!) que Dominique Queillé prétend avoir écouté -, il n'en trouverait aucune trace dans le catalogue Tzadik... Il y trouvera un Guillaume Perret & The Electric Epic par Guillaume Perret & The Electric Epic, ne comportant, en outre, aucune plage intitulée Brutalum Voluptuous.
(Les programmes du New Morning et du festival de jazz de la Défense, où notre saxophoniste doit bientôt se produire avec sa formation, reprennent tous deux la même fausse information...)
Peu importe l'origine de cette bévue, la musique de Guillaune Perret est là.
Et depuis quelque temps déjà...
Si une critique paresseuse la découvre maintenant, les amateurs avaient pu déjà l'entendre dans des salles où l'on n'attend pas le coup de baguette miraculeuse du magicien John Zorn pour écouter les vrais musiciens.
Par exemple au Triton - 11bis rue du Coq Gaulois, Les Lilas, métro Porte des Lilas - où a été tournée cette vidéo qui est un bel hommage au jazz éthiopien :
Quant au fameux Brutalum Voluptuous, c'est bien un morceau du groupe, prévu sur la maquette, disponible en ligne, de leur premier disque.
Le voici :
(Cet enregistrement date de 2009.)
Je découvre à la fois Guillaume Perret et le style choucrouto-branché de Dominique Queillé. Merci Guy. Je retiendrai le premier très fort, et repenserai au second les soirs de raviolis froids directo de la boîte à la fourchette (succédané de suicide qui a fait ses preuves).
RépondreSupprimerBien que je fréquente le Triton - car j'aime assez la "rue du Coq Gaulois" -, j'ai également découvert ces deux styles simultanément, avec les mêmes préférences que toi...
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