On admet généralement, en effet, que le bras d'honneur est une manière d'amplification du doigt d'honneur, présentation à l'interlocuteur du majeur, le digitus impudicus des Romains. Pour attester de l’ancienneté de l'assimilation de ce doigt avec le phallus, il est d'usage de citer la nébuleuse allusion faite, dans Les Nuées d'Aristophane, pièce écrite en 423 avant Jésus-Christ, par Strepsiade, alors traité de « rustre et lourdaud » par Socrate. Et pour montrer que le caractère injurieux de la gestuelle ne date pas d'hier, on ajoute l'anecdote, rapportée par Diogène Laërce, du philosophe Diogène adressant de son tonneau un doigt d'honneur à l'orateur Démosthène. Quant à la signification profonde - si l'on ose dire - de cette pantomime, elle se situe probablement entre la subtile suggestion : « Va te faire mettre ! », et l'élégant performatif : « Je t'encule ! ».
(Je n'ai pas su déterminer ce que l'honneur venait faire dans cette histoire...)
L'exécution de cette mimique exige, comme on voit, une grande concentration.
(Capture d'écran, fin de l'émission La Preuve par trois sur Public Sénat.)
En revendiquant son « geste de mauvaise humeur typiquement populaire », monsieur Gérard Longuet a indiqué qu'il avait réagi, avec toute la promptitude d'un homme qui se croit du caractère, « à la publication d'une dépêche AFP, indiquant que l'Algérie demande "une reconnaissance franche des crimes perpétrés à [son] encontre par le colonialisme français" ».
Je n'ai pas recherché cette dépêche, mais elle devait rendre compte des déclarations de monsieur Mohamed Cherif Abbas, ministre des moudjahidine, dans un entretien accordé à l'agence Algérie Presse Service, à la veille de la célébration du 58e anniversaire du déclenchement de la révolution du 1er Novembre 1954. Il a en effet déclaré qu’« au regard des crimes perpétrés par ce colonisateur contre un peuple sans défense et compte tenu de leur impact dans l’esprit même des générations qui n’ont pas vécu cette période, sachant que tout un chacun connait les affres subies par notre peuple du fait de la torture, des mutilations et de la destruction, les Algériens veulent une reconnaissance franche des crimes perpétrés à leur encontre ».
C'est à cette demande, constamment reformulée par les autorités algériennes, que monsieur Gérard Longuet, qui n'est en charge de rien, a cru pouvoir répondre avec une grossièreté dépourvue de toute ambiguïté.
La chanteuse M.I.A. avait fait scandale, lors du show de Madonna pour la finale du Super Bowl 2012, en adressant un doigt d'honneur à je ne sais qui - mais devant un large public et cent millions de téléspectateurs. J'ignore si elle a dû payer une amende, mais elle ne peut sans doute plus se considérer comme bienvenue sur NBC...
Monsieur Gérard Longuet, lui, sera probablement toujours bien accueilli dans les studios et sur les plateaux, puisqu'il semble avoir retrouvé la parole.
Certains pensent même qu'il a su, de son bras, parfaitement incarner la France revancharde, et ne manqueront pas de lui faire une haie d'honneur.
PS : Il est encore possible de protester contre le bras d'honneur qu'envisage d'adresser au peuple algérien le gouvernement français en rendant, à Fréjus, un hommage au général Bigeard. La pétition en ligne n'attend que nos signatures.
J'avais lu quelque part que le doigt d'honneur datait de la guerre de Cent Ans, au cours de laquelle les Anglais tranchaient le majeur des archers français afin qu'ils ne puissent plus tirer de flèches. Ils brandissaient ensuite leur butin. D'où le doigt "d'honneur".
RépondreSupprimerPour le bras, je ne sais pas. Mais bon, Longuet, hein…
Bise, Monsieur Guy.
On dit aussi que, durant le même guerre, ce sont les Français qui amputaient les archers anglais capturés, mais de deux doigts, l'index et le majeur. En retour, depuis leur ligne de combat, les soldats de la perfide Albion montraient à leurs adversaires leurs deux doigts encore en place. C'est ce geste qui aurait été repris par Winston Churchill...
SupprimerJe ne trouve pas cette explication, qui gomme l'incontestable obscénité du geste, très convaincante...
Bises, madame Dorémi.