Évangile selon Matthieu, 18, 6
Quand j'entends que l’Église prétend s'opposer au « mariage pour tous » au nom de la protection de l'enfance, il me revient des souvenirs désagréables de l'époque lointaine où j'étais enfant de chœur...
Mes parents étaient, l'un et l'autre, très croyants, et moi, je ne faisais pas semblant. La ligne qui bornait mon horizon ne pouvait pas ne pas être à mes yeux ligne de vérité.
Le souvenir que j'évoque, et dont je ne ferai pas le récit, ne comporte aucun détail croustillant. Ni la sacristie ni le confessionnal ni leurs alentours n'ont abrité le moindre passage à l'acte. Seulement la découverte sidérante, par un enfant de moins de dix ans, de l'attirance qu'éprouvait pour lui un adulte consacré. Cette pulsion - mais il vaudrait mieux, sans doute, faire résonner sous les voûtes glacées d'une chapelle le mot si ecclésial de « concupiscence » -, même si j'étais bien loin d'en percevoir la nature, je la ressentais très fortement, avec un grand trouble, dans toute son étrangeté perturbante. Car, tourmenté et pathétique, le désir de cet autre transpirait la honte et la culpabilité, et, en retour, m'en inspirait, jusqu'au malaise.
Longtemps, j'ai refoulé ce souvenir dans les limbes de ma mémoire. Il a refait surface, avec une étonnante précision dans les détails, il y a quelques années, au sortir d'un entretien avec un psychothérapeute. Il est sans doute inutile d'ajouter que c'est en provoquant en moi une vague de honte et de culpabilité qu'il a commencé à émerger...
Disons que cette vague est vite retombée et s'est perdue dans le sable où un enfant timide regardait s'effacer la trace de ses pas.
Illustration cynophile de l’Évangile selon Marc, 10 :
« Laissez venir à moi les petits enfants, et ne les en empêchez pas;
car le royaume de Dieu est pour ceux qui leur ressemblent. »
(Photo d'époque, trouvée par hasard sur la toile.)
Je ne sais ce qui, à l'époque, m'a préservé de tout acte pédophile explicite, mais je suis persuadé que le souci, aujourd'hui affiché par les dignitaires de l’Église, de protéger l’innocence, à qui l'on ne ment pas, n'y a été pour rien.
Un réel respect de l'enfance aurait été, et est toujours, en contradiction avec la logique de cette institution :
(...) Tout le monde a gardé en mémoire les nombreux scandales de pédophilie qui ont secoué l'Église catholique. Quand ses représentants rechignent à collaborer aux enquêtes de la police et affirment que ces événements, si regrettables soient-ils, constituent un problème interne à l'Église, ils ont raison, d'une certaine manière. La pédophilie des prêtres catholiques n'est pas quelque chose qui concerne uniquement les personnes ayant, pour des raisons strictement personnelles sans aucun lien avec l'institution de l'Église, choisi de faire carrière dans la prêtrise. C'est un phénomène qui concerne l'Église catholique en tant que telle et s'inscrit dans son fonctionnement même en tant qu'institution sociosymbolique. Un phénomène qui ne concerne pas l'inconscient « privé » des individus, mais l'« inconscient » de l'institution elle-même : ce n'est pas quelque chose qui se produit parce que l'institution doit tenir compte des réalités pathologiques de la vie libidinale pour survivre, mais quelque chose dont l'institution elle-même a besoin pour se reproduire. On pourrait très bien imaginer un prêtre « normal » (c'est-à-dire sans penchants pédophiles) qui, au bout de plusieurs années, se retrouverait mêlé à une affaire de pédophilie à cause de la logique même insinuée en lui par l'institution.
(Slavoj Žižek, Violence, Six réflexions transversales, essai traduit de l'anglais par Nathalie Peronny, Au diable vauvert éditions, 2012.)
De cette «logique de l'institution», dans ma famille, l'un fut témoin et l'autre, à deux générations de là, victime. Mes parents, pratiquants fervents, adoraient ce curé de belle ascendance, érudit, à l'humour exquis.
RépondreSupprimerEntre mille objets symbolisant tout cela, il en est un d'une obscénité parfaite ici ; une fois l'image agrandie d'un clic, on lit sur le torse de la plus haute figurine : «Honor Thy Father and Mother» (en grandes majuscules que je refuse de reproduire toutes ici).
Tiens, je t'envoie une espèce de sourire, Guy.
Étonnante illustration, dont je te remercie.
Supprimer(Ainsi que de l'espèce de sourire.)